Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

Au bord de l'Olt


Aux bords de l'Olt

Parmi les chauds parfums d'avril aux folles luttes,
J'écoutais sur la rive où passait un berger,
Au bruit double et charmant des syrinx et des flûtes,
Parmi l'herbe et le saule accourir l'Oit léger.

L'Oit du haiduck barbare et du blanc voëvode,
L'élégiaque et doux Oit triste et furieux,
Large comme une épée et hardi comme une ode,
L'Oit vif de mes héros, l'Oit altier de mes dieux.
Je disais : Fleuve ami, beau faiseur de légendes,
Que ne peux-tu blanchir encor de tes remous
Le guerrier fier parmi le tourbillon des bandes,
Le guerrier jeune avec son air sauvage et doux.
Celui dont se parlaient les aïeules moldaves,
Princesses au manteau cerné de chinchilla,
Et qui, dans les manoirs où l'on rêvait des braves,
Au moindre bruit disaient : Peut-être le voilà !
Mince, vêtu d'argent, d'or souple et de fourrure,
La toque étroite au front brun, chevelu, hardi,
Il portait tous les coeurs pendus à sa ceinture;
Ses yeux étaient plus chauds qu'un parfum à midi.
Son sabre était léger comme un vol d'étincelle ;
Une langueur d'Asie errait en ses doigts lents ;
Il jetait tour à tour au cuir bleu de sa selle
L'amoureuse enivrée ouïes captifs sanglants.
N'est-ce pas! mon cher Oit, tu savais ses victoires?
Tu laissais s'abreuver son cheval dans tes eaux
Et tu viens soupirer autour de nos mémoires :
Ah! si, pour être aimée, on avait des héros!
Si j'avais eu jadis un héros de ma race
Pour l'aimer sur les bords de l'Oit fougueux et fort,
Bien au delà du temps, de l'ardeur, de l'audace,
Au déjà de la chair, de l'âme et de la mort !

La Dormeuse éveillée, 1914



11/09/2012
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