Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

Présence


Présence
 

Mets la clef dans la serrure,
La lampe près du miroir,
Pour que mon coeur se figure
Qu'il est moins seul et moins noir.
 
Des mains frappent la fontaine,
Quelqu'un cherche à meurtrir l'eau
Où je lave au soir la laine
Et le matin mon fuseau.

La douleur de l'eau qu'on blesse
Entre en moi comme un poignard :
Oh! ferme la porte épaisse,
Ferme le volet criard !

L'ombre où bat le vol des trembles
Court sur le pavot pourpré :
Je sais bien pourquoi tu trembles,
Pourquoi ma porte a pleuré.

Nul ne peut pousser ma porte,
Car quelqu'un est sur le seuil,
L'image invisible et forte
Attend toujours mon accueil.

Elle attend que je lui dise :
Entre, voici le miroir
Où souvent je noie et puise
Ma face de désespoir.

Je sais ses yeux couleur d'herbe, ?
Ses bras aux parfums de pré,
Elle a la forme et le verbe
Des choses dont je mourrai.

Ma porte est toujours ouverte,
Mon logis n'est jamais clos,
Parce que cette ombre inerte
Barre mon seuil sans repos.

La Dormeuse éveillée, 1914



11/09/2012
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