Chant de guerre cosaque
Chant de guerre cosaque
Tarass Boulba
A mon père
Le son impérieux des fanfares t'appelle!
Mets sur tes cheveux noirs ton bonnet d'astrakhan,
Penche ta longue lance au niveau de ta selle,
Le grand cri des combats résonne dans le camp!
Ma narine s'emplit de l'odeur du carnage,
Viens vite, nos chevaux sont agiles, passons
La steppe au grand galop et le fleuve à la nage,
Plus léger que le vent qui courbe les moissons,
Le vent qui va joyeux de l'Oural au Caucase
Et libre comme nous traverse le désert;
Le Cosaque est à l'oeuvre et l'horizon s'embrase,
Et d'un voile de sang le soleil s'est couvert.
Vois le rapide éclair de ces lourdes épées,
Vois les cadavres noirs encombrant les chemins,
Les lances portant haut mille têtes coupées
Et les femmes levant au ciel leurs blanches mains.
Si ton cheval languit, Cosaque de l'Ukraine,
Allonge sur ses flancs le fouet aux triples noeuds,
Ton sabre impatient bondit hors de sa gaîne,
Un frisson de colère agite tes cheveux.
Qu'importe si, tombant parmi les hautes herbes,
Au milieu des débris des lances et des chars,
Tu t'endormirais là-bas dans nos plaines superbes
Où le Dniepr bouillonne autour des nénuphars!
Qu'importe si, coulant à flots noirs de ta bouche,
Ton sang se répandait dansun choc imprévu,
Et si l'aigle fouillait du bec ton oeil farouche,
Si le corbeau venait, qu'importe encor! pourvu
Que tes exploits, mon fils, soient de ceux que l'on grave
Sur un pommeau de sabre avec des diamants,
Et que, dans ses récits, un vieillard pâle et grave
Mêle ton nom à ceux de nos fiers atamans.
Chants d'Aurore, 1886