Regret mystique
Regret mystique
Celui que j'aime, hélas! insondable mystère,
Bien avant le passé, plus loin que l'avenir,
Ne suit pa comme moi les sentiers de la terre
Et je ne le connais que par le souvenir.
Nous avons tous les deux goûté de nobles fièvres
Dans un ciel dont mes pas ont perdu le chemin.
Son baiser frémissant erre encor sur mes lèvres,
Mes cheveux ont gardé la tiédeur de sa main.
Pourtant ce n'est pas toi qui briseras ma chaîne,
Je t'appelle sans cesse et tu ne viens jamais,
Et nul ne t'a connu dans ce monde où je traine
Un invincible instinct du monde où je t'aimais.
En trouverai-je encor l'inoubliable ivresse
Dans quelque blonde étoile où je te rejoindrai,
Lorsque se faneront les fleurs de ma jeunesse
Sous mes yeux obscurcis et las d'avoir pleuré.
C'est toi que je demande au vol des météores,
C'est toi que je demande à mes rêves sans fin
Où passe maintes fois, dans des lueurs d'aurores,
L'écho vague du chant de quelque séraphin.
Chants d'aurore, 1886.