En traineau
En traineau
Dieu! que je voudrais aller avec toi
Au pays du Nord, au pays des neiges,
Vers ces lointains blancs pleins de sortilèges,
Ces grandes forêts où plane l'effroi.
Dieu! que je voudrais aller avec toi
Au pays du Nord, au pays des neiges.
Je sais que là-bas l'on glisse en traineau
Longtemps, bien longtemps sur une mer blanche,
Le manteau des bois tombe en avalanche
Sur la fleur qui pousse au pied du bouleau.
Je sais que là-bas l'on glisse en traîneau
Longtemps, bien longtemps sur une mer blanche.
Pour rythmer le bruit futif du baiser,
Nous aurions le son des clochettes grêles.
Tout ce qui frémit dans les branches frêles,
Tout ce que l'hiver ne peut apaiser
Se joindrait au son des clochettes grêles
Pour rythmer le bruit furtif du baiser.
Qu'importe le vent qui pique et qui cingle!
Nous avons assez d'amour dans les yeux,
On ne craint l'hiver que lorsqu'on est vieux,
Et sous ses aigus et vifs coups d'épingle,
Pour braver le vent qui pique et qui cingle,
Nous avons assez d'amour dans les yeux!
Dans la steppe immense, infiniment blanche,
Il serait si doux de croire un moment
A l'éternité du divin calmant
Qu'en nous l'amour pur et sans borne épanche,
Pareil à la steppe infinie et blanche,
Il serait si doux d'y croire un moment.
Viens donc avec moi sous le ciel farouche
Au pays que j'aime, au pays du Nord;
Qu'importe le vent qui cingle et qui mord,
Ton souffle chéri frôlerta ma bouche,
Au fond du traîneau, sous le ciel farouche,
Au pays que j'aime, au pays du Nord!
Chants d'Aurore, 1886