Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

La mort du brave

La mort du brave

 

Il est mort comme on meurt sur un champ de bataille,

Le visage tourné vers l'ennemi! Vainqueur,

Il s'endormit au bruit lointain de la mitraille,

Il s'endormit avec l'étendard sur son coeur!

 

Ses yeux se sont fermés sur un rêve de gloire;

Le drapeau qui l'étreint dans ses généreux plis

Semble répandre encore une aube de victoire

Sur ce front radieux que la mort a surpris.

 

Pas d'amour pour veiller sur l'agonie amère,

Et pas d'accents chéris pour lui faire un rempart

Contre les visions de la mort; pas de mère

Pour clore doucement ses yeux au fier regard.

 

Hélas! l'âpre ouragan viendra seul sur sa bouche

Baiser son fier sourire, et le canon grondant

Bercera son sommeil comme un veilleur farouche

Sur ce sol rouge et tiède encor d'un sang ardent.

 

Le soir, quand éclôront les étoiles pieuses,

Leurs lueurs iront errer avec de longs frissons

Sur toi, pâle endormi; les fanfares joyeuses

Ne t'éveilleront plus par la voix des clairons.

 

Mais bénis soient les flancs qui t'ont porté: tes armes

Rayonnent près de toi; tu dors superbe et seul,

Digne du saint amour de la patrie en larmes,

Dont tu pris le drapeau pour t'en faire un linceul.

 

Il est mort comme on meurt sur un champ de bataille,

Le visage tourné vers l'ennemi; vainqueur,

Il s'endormit au bruit lointain de la mitraille,

Il s'endormit avec l'étendard sur son coeur.

 

Chant d'aurore, 1886



16/10/2012
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