Le fiancé
Le fiancé
A ma soeur.
Le soir, la quiétude envahit ma pensée,
Le bonheur me revient avec l'oubli du jour,
Et je sens que mon âme est vaguement bercée
Par d'apaisants rêves d'amour.
J'y rêve si longtemps dans la nuit qui s'avance
Que mon coeur s'alanguit et que, le front baissé,
J'entends venir soudain à travers le silence
Les pas furtifs d'un fiancé!
Pourtant cet inconnu porte un nom que j'ignore,
Il parle d'avenir en me tenant la main,
Et nous nous attardons à consulter encore
Le souvenir d'hier et l'espoir de demain.
Nul ne sait comme nous les longues causeries -
Je voudrais ces soirs-là plus lents et plus obscurs,
Car nous y convions tant de choses fleuries,
Les printemps d'autrefois et les printemps futurs!
Il n'a jamais besoin de savoir si je l'aime,
Je le crois fier et tendre et fidèle et vaillant,
Je lui chante tout bas un chant toujours le même,
Un chant mystérieux au doux rythme ondoyant,
Et j'y rêve longtemps dans la nuit qui s'avance,
Et d'un timide adieu mon front est caressé,
Et j'entends s'éloigner, à travers le silence,
Les pas furtifs du fiancé!
Chants d'Aurore, 1886.