Le silence
Le silence
Tout être porte en soi le pieux sanctuaire
Où des bonheurs perdus l'entretiennent tout bas,
Ah! n'effleurez jamais ce tombeau solitaire
Qui cache sa douleur; ah! ne l'éveillez pas!
Si vous soyez parfois qu'un pur regard se voile
Du désenchantement des avenirs lointains,
Ne troublez pas ces yeux qui cherchent une étoile,
Et pleurent doucement sur tant d'astres éteints.
Pourquoi porter la main téméraire, indiscrète
Sur tant de maux cachés que rien ne peut guérir?
Pouvez-vous rappeler ce que l'homme regrette!
Pouvez-vous le bercer? Pouvez-vous l'endormir!
Vous qui fouillant du coeur les tristes hécatombes,
Croyez en les sondant consoler nos douleurs,
Songez que le silence est le bienfait des tombes
Et qu'à l'endroit qu'on foule il ne croît pas de fleurs.
Chants d'Aurore, 1886.