Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

Le vieux donjon

Le vieux donjon

 

Je sais un vieux donjon penché sur un abîme

Battu de tous les flots, ouvert à tous les vents,

Profond comme l'oubli, sombre comme le crime,

Hanté par les esprits et honni des vivants.

 

La mer vient l'obséder de ses plaintes navrantes,

L'âpre frisson d'hiver y fait monter sans fin

Des souffles, des sanglots et des voix soupirantes;

Je sais un vieux donjon penché sur un ravin.

 

Et je sais dans un coin de l'obscure tourelle

Une tapisserie en haillons, sans couleurs,

Dont la brise du soir, insolente et cruelle,

Balance en frissonnant les mourantes pâleurs.

 

On ne voit presque plus les traits des personnages,

Les rois, les chevaliers ont des visages morts,

Et, sans pitié, le temps a livré leurs images

Au souffle des hivers, aigu comme un remords.

 

Seul, les yeux rayonnants de candeur virginale,

Ouverts sur l'avenir éternellement beau,

Malgré l'orage en feu, malgré l'âpre rafale,

Un beau couple enlacé sourit sur un lambeau.

 

Je sais un coeur humain que l'ouragan visite,

Où tout est sombre, ainsi qu'en cette sombre tour,

Un coeur bien désolé mais qui pourtant abrite

L'image, fraîche encor, de son premier amour.

 

Cahnts d'Aurore, 1886.



09/10/2012
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