Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

Ah! ne me blâme pas...

Ah! ne me blâme pas...

 

Ah! ne me blâme pas si vers ce ciel de songe

Je tends encor les bras d'un geste qui prolonge

Leur grâce triste et trace à ton seuil simple et nu

Le geste d'un désir que tu n'as pas connu.

Car ceci te suffit: les bois, l'eau, l'air, la plaine,

Ta flûte et mon fuseau, le fil blanc de la laine

Que j'enroule à mon doigt, tes yeux dans le miroir,

La nature enfoncée aux profondeurs du soir

Ou dressée et rieuse à la cime de l'aube...

Mais moi j'ai tous les jours un voeu qui me dérobe

A la calme demeure où notre amour est clos.

Le pressoir a pressé le jus vain des pavots

Et j'ai bu sous la lune à la coupe rougie,

Mais je reste toujours debout devant la vie.

Ne me demande pas ce que je veux des jours!

Ton pampre grimpe haut, et tes rosiers sont lourds,

Et la source où tu mets ta lèvre est bleue et vive.

Moi, je veux voir venir ce qui jamais n'arrive!

Tu sais que tes troupeaux rentrent sous le couchant,

Et que, si ta main ferme est douce en me touchant,

Tout mon sang montera jusqu'à toi dans mes veines.

Tu sais l'heure où jaunit le jonc près des fontaines,

Et les jours réguliers, les égales saisons

N'ont pas encor trahi ton champ et tes gazons...

Un besoin de partir me brûle et me ravage!

Que ne suis-je un parfum aux bras fous de l'orage,

Un besoin de gémir sans cesse autour de toi?

Que ne suis-je l'oiseau qui tourne sur ton toit?

 

Le jardin passionné, 1908.



26/11/2012
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