Au voyageur
Au voyageur...
Toi dont le pas est d'or dans la blancheur d'été.
Que ton ombre se berce heureuse à ton côté,
O voyageur qui nous envies
De ne jamais quitter l'ombre du puits penchant
Et de ne pas courir dans l'aube ou le couchant
Plus loin que l'eau de nos prairies.
Passant, nous te plaignons de passer triste et seul
Tu ne sais rien de nous ; ni pourquoi le tilleul
Va se courbant comme une épaule.
Ni le pli du ruisseau derrière le moulin,
Ni que l'abeille ici cherche la fleur du lin
Dans le maïs et sous le saule.
Tu ne sais rien, tu vas sur les chemins si longs,
Rien qu'à te voir passer déjà nous t'appelons
Celui que l'on attend sans cesse.
Ne nous demande pas à boire, ô voyageur !
Porte ta soif entière aux lieux où rit sans frein
Le sourire de ta jeunesse.
Va, saisis dans tes bras l'heure des beaux retours, —
Nous avons tous ici ce qu'il faut à nos jours,
Des épis, du soleil, de l'herbe, —
Et dans le soir l'éclair d'une plume de paon
Sur l'air rouge et le bruit que fait en galopant
Le heiduck terrible et superbe.