Hélène Vacaresco

Hélène Vacaresco

Détachement

Détachement

 

Je n'ai jamais passé près de toi sans me dire

Qu'à tes côtés mon coeur battrait plus librement;

Pourtant je n'ai voulu qu'entrevoir ton sourire

Comme à travers la nue un coin du firmament.

 

Je sais que tu pourrais envahir tout mon être

Par la grâce furtive et chaste du baiser;

Mais je te vois partir, ainsi qu'à sa fenêtre

On ne voit qu'un instant l'oisillon se poser.

 

Tes yeux ne m'ont jamais versé leurs feux d'étoile

Sans que leur profondeur cherchât à m'attiser;

Mais je fuis ton regard, ainsi qu'on pose un voile

Sur la face des morts et pour les mieux pleurer.

 

Je ne t'aimerai pas, car mon coeur est trop sage

Pour chercher de l'amour la douceur et l'effroi;

Mais je t'aurai connu, comme on goûte au passage

Le parfum d'une fleur dans le jardin d'un roi.

 

Chants d'Aurore, 1886



03/10/2012
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