Férocité
Férocité
Férocité, férocité, férocité,
Rage, ardeur et tempête! O vent fort qui secoues
Le désir et l'espoir comme des froids d'été
Et tords l'élan de l'aile et fends le col des proues,
Magnifique et divine, ô donneuse d'effroi,
Appel fier de la force et des sauvageries,
Dents de l'hydre, oeil du sphinx, cheveux longs des furies,
Reine du feu tournant qui te lèves en moi.
C'est parmi la langueur de mon être abattu,
Quand j'ai des fleurs sur l'âme et sur mes mains, la lune,
Quand je suis faible ainsi qu'un fil d'onde, un fétu
De paille qui s'en va courir la plaine brune;
C'est dans le peuple sourd dont est peuplé mon coeur,
Parmi les morts, parmi les mourants et les blêmes,
Que tu tords, furieuse, ton grand bras égorgeur,
Belle férocité que je hais et qui m'aimes.
Et tu viens des affreux combats que j'ai livrés
Dans les temps gerroyeurs dressée à la tuerie,
Tu me fais voir d'un coup, au clair des incendies,
Mon âme qui ne veut que des plaisirs pourprés.
Le jardin passionné, 1908.