Le sentier
Le sentier
Nous faisions tous les soirs la même promenade;
Pour arriver au val embaumé sous l'arcade
Des bois, qui sont si pleins de mystiques chansons,
Nous prenions un sentier tout bordé de buissons,
Un sentier où montait parmi les roches creuses,
Le soir, l'envahissant parfum des tubéreuses,
Et nous croyions pouvoir suivre éternellement
Ce chemin qui savait si bien notre serment,
Où le zéphyr faisait, en baisant les corolles,
Un accompagnement si doux à tes paroles
Que mon coeur apaisé les répétait tout bas,
Et cela te paraît tout récent, n'est-ce pas?
Mais l'automne est venu, puis la neige est tombée;
En une seule nuit, comme à la dérobée,
Elle a mis don manteau sur le val tout entier
Et nous ne trouvons plus notre petit sentier.
Un jour viendra, ce jour n'est pas bien loin peut-être,
Où le temps entre nous se glissant comme un traître,
De notre cher amour l'étoile aura pâli;
Alors viendra l'automne, alors viendra l'oubli,
Et nos coeurs s'empliront d'une froidure intense;
A travers le désert morne de l'existence
Je ne trouverai plus l'inoubliable émoi
Du sentier où j'aimais m'égarer avec toi!
Chants d'Aurore, 1886.