O silence, o doux frère...
O silence, o doux frère...
Au lac dont la douceur toujours est de se taire,
La lune, aigrette d'or du ciel, s'effile et luit,
Sois doux à ma faiblesse, ô silence, ô doux frère,
Qui me donnes la main, et marche sur tout bruit...
Un rien me briserait ce soir, hors ton étreinte.
Le tremble a trop souffert, vois-tu, d'avoir tremblé;
La force de son souffle a flétri la jacinthe,
La plaine au loin gémit sous le poids d'or du blé.
Les beaux bras de l'azur qui portaient la lumière
Tombent divinement lassés aux étangs froids;
Avec tout ce qui fut flamme et chaleur plénière
Le soir fait de l'amour et du bleu sur les bois.
O silence! le soir fait du triste et du tendre
Avec les plis soyeux de ta robe à ses pieds,
Il fait son ardeur toute avec des voix en cendre,
Et ton haleine avec le sommeil des rosiers.
Sois lent à me parler, toi qui sais tant me dire!
Et serre bien tes bras autour de mon destin.
Je te suis... tu prendras le sentier qui soupire
De se tuer là-bas dans le noir du ravin.
Le jardin passionné, 1908.