Viens, souvenir!
Viens, souvenir!
Viens, souvenir! il fait très chaud sur les terrasses,
Près des rosiers,
Et le jardin là-bas, où sont les chaises basses,
Rêve à mes pieds.
C'est par un jour qui fut tout pareil en sa force
A celui-ci,
Et tout aussi baigné du charme et de l'amorce
D'un seul souci;
Par un jour tout autant chargé de ciel qui brûle
D'être trop beau,
Tout aussi traversé d'odeur où l'air circule
Comme de l'eau.
Jour de beauté et de fièvre tranquille et d'ailes
Faibles soudain;
Jour de ferveur faisant les terrasses si belles
Et le jardin,
Que j'ai dit: "Non, jamais, que plus rien ne m'arrive
Après ce jour.
J'ai tout goûté du vent, de l'onde et de la rive
Et de l'amour...
"J'ai tout tenu pendant une heure sur ma bouche,
L'ombre et l'éclair,
Ce qui gémit, ce qui dévore, et ce qui touche
Comme la mer.
"J'ai tout bu dans une heure ici sur les terrasses,
Près des rosiers,
Et là-bas le jardin avec ses chaises basses
Rêve à mes pieds..."
Le jardin passionné, 1908